Thomas Garnier
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Taotie est un projet d’installation automatisée – une machine qui produit des images en mouvement en projetant des ombres. Il tire ses influences du pré-cinéma, notamment de la fantasmagorie du XVIIIe siècle, dont il est une réinterprétation technologique..
Taotie est une performance continue et immersive qui interroge les implications sociales et environnementales d’un nouveau paradigme en se plongeant dans les entrailles de la “Dark Factory”, une usine sombre automatisée dans laquelle la lumière est superflue, puisque personne n’y travaille.
Taotie été présenté à Aix-en-Provence du 11 novembre 2022 au 21 janvier 2023 dans le cadre de la Biennale Chroniques 2022.
Nouveaux lieux de production de notre monde contemporain accéléré, les ‘’dark factories’’ (ou ‘’lights-out factories’’) sont des usines entièrement automatisées et fonctionnant sans intervention humaine. Sans même avoir à éclairer l’espace, des machines peuvent désormais «travailler» jour et nuit, sans pause, sans compromettre la qualité de leur production. Ces lieux à l’architecture sommaire prennent la forme de grands entrepôts modulaires répétitifs où tout est pensé pour faciliter le déplacement des robots.
Les imprimantes 3D, présentes dans la pièce, s’activent sans relâche pour construire des structures qui s’inspirent directement de ces usines intelligentes. Ces architectures en cours de construction montrent leur ossature, dépouillées de tout. Nous ne savons pas si nous nous trouvons en face de la charpente de ces bâtiments ou au contraire en face de leur ruine. Work in progress, l’imprimante devient ainsi, selon les mots de l’artiste, “l’actrice principale” du projet, elle prend sa place.
L’idée de ces architectures froides, géométriques, massives est contrebalancée par le dispositif lumineux qui les accompagne rend l’installation fragile et mouvante. La lumière passe à travers le squelette de ces structures et déploie des grilles qui s’entremêlent. Les ombres se superposent rendant la lecture de l’espace difficile. Théâtre d’ombres d’une inquiétante étrangeté, l'œuvre présente ainsi un monde sans fondations, fait d’illusions. Ces dark factories ne sont pas le réel, elles sont l’image d’un monde que nous ne voulons pas voir advenir.
Fasciné par ces nouvelles architectures hétéorotopiques, coupées du monde humain et supports de l’imaginaire, Thomas Garnier propose avec Taotie une installation immersive qui vise à questionner ces nouveaux espaces-temps du travail et de la production.
Les machines peuvent-elles vivre sans nous dans l’obscurité?
Partenaires
- Dicréam Fund, French center of National Cinema
- Scan Fund (Rhône-Alps)
- Fernand Lerger gallery, Ivry sur Seine
- iMAL, Art Center for digital cultures and Technology, Brussels
- Chroniques Biennale, Marseilles, Aix en Provence, Avignon
Thomas Garnier
Né en 1991, Thomas Garnier est un artiste contemporain et visuel français formé initialement à l’architecture. Il est diplômé du Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains où il a reçu le prix spécial «Révélations Art Numériques» de l’ADAGP, société des artistes français pour son installation «Cénotaphe». Son travail a depuis été présenté lors d’événements internationaux, de festivals et de biennales tels que la Nuit Blanche (Belgique), la biennale WRO (Pologne), la biennale Nemo et la biennale Chroniques (France), ou encore dans des fondations telles que la Fondation Fosun (Shanghai) et la Fondation Fiminco (Paris).
Sa pratique est celle d’un artiste mais aussi d’un chercheur ou d’un hétérotopologue, tel que défini par Foucault dans son texte «les espaces autres». Cette recherche et construction de sens dans le ‘’liminal’’ ou ‘’l’entre deux’’ l’amène à produire des sculptures automatisées en effondrement, des images animées infinies qui tournent en boucle sur elles-mêmes, des chimères et accumulations linguistiques de mouvements artistiques inexistants.
Il recherche ainsi des lieux singuliers et lointains, des motifs matériels et immatériels qui influent sur la structure de l’espace, de nos paysages anthropocéniques. La nature critique des œuvres se développe à travers la déambulation, et l’observation d’espaces réels. Dans le travail de Thomas Garnier, nous semblons assister à l’archéologie d’un monde calqué sur le notre, dérivé et à la dérive, pris entre et obsédé par la congrégation de multiples temporalités et techniques, dérivées d’un futuro-primitivisme inexistant, d’un supra-romantisme fiévreux, d’un multi-brutalisme écrasant.